Videz vos poches

Lorsque j’étais enfant, ce n’était pas à la mode de parler d’émotions. Mes parents n’avaient pas appris à écouter leurs propres émotions alors forcément ils n’étaient pas particulièrement à l’aise avec les miennes…

Je me souviens que lorsque j’avais un coup de blues, ils me disaient parfois : « n’y pense pas, ça va passer » ou bien, « mets ça dans ta poche avec ton mouchoir par dessus ». J’ai fait ce que je croyais qu’on attendait de moi, j’ai tout mis au fond de mes poches en me disant que ça allait passer.

Au fur et à mesure des années, j’ai rempli mes poches avec mes coups de blues, et puis avec mes peurs, mes douleurs, mes doutes, mes angoisses, mes désirs, mes colères, et mes joies aussi parfois.

Tout ce qui risquait de déranger, je l’ai enfoui, caché au fond de mes poches, bien camouflé sous mon mouchoir, et j’ai continué mon chemin, comme si de rien n’était, avec des poches de plus en plus lourdes…

Jusqu’au jour où une émotion plus forte et inattendue a fait tout déborder. Tout est ressorti d’un coup, dans une violence fulgurante, dévastatrice.

Ce fut libérateur mais ô combien éprouvant !

40 ans de frustrations tout à coup transformées en reproches ridicules envers ceux qui n’avaient pas su voir ce que j’avais si bien caché, qui n’avaient pas su entendre ce que je n’avais pas exprimé…

Ce fut éprouvant mais ô combien libérateur !

J’ai alors compris que les émotions ne sont que des indicateurs qui nous permettent de nous connaître mieux, que lutter contre les émotions ne fait que les renforcer et que les accepter suffit souvent à les calmer. J’ai réalisé que ce combat contre mes émotions était un combat contre moi-même, et que taire mes émotions revenait à renier chaque fois une petite partie de moi.

Alors, depuis, je ne mets plus rien dans mes poches, je m’autorise à ressentir la tristesse tout autant que la joie, à libérer la colère avant qu’elle n’explose et à remercier la peur de m’avoir signalé la présence d’un danger, qu’il soit réel ou imaginaire…

Et surtout, j’accueille les émotions des autres avec une plus grande acceptation et sans jugement, car je sais que ces émotions ne sont jamais dirigées contre moi, mais qu’elles ne font que révéler des besoins inexprimés.

Alors si ça vous tente, faites comme moi, videz vos poches !